Le cas des "shengnu" (剩女)



Alors que de nombreux hommes ne parviennent pas à trouver une épouse qui leur convient, toute une catégorie de la population féminine reste exclue du marché de mariage. Les principales raisons ? Elles sont considérées trop vieilles car elles ont plus de 27 ans, mais surtout ont de hauts revenus et un bon statut social car elles se sont concentrées sur leurs études et leur carrière, ce qui les rend trop exigeantes ou intimidantes pour la majorité des Chinois. C'est le phénomène des sheng nu, aussi appelées leftover ladies.



A) Une conséquence de la modernité et de l'émancipation des femmes



Les femmes représentent aujourd'hui près de la moitié de la population chinoise et ont su s'adapter au vent de modernité qui a touché la société dans son ensemble : elles font des études et travaillent, deux activités qui demandent autant de temps que de concentration. Certaines ont donc fait le choix de faire passer leurs études et leur carrière avant la construction d'un foyer familial. Cependant, une fois l'âge charnière de 25 ans révolu, elles sont nombreuses à ne pas être mariées et une véritable course à l'époux s'engage alors pour ne pas de devenir une shengnu. A 27 ans, les femmes sans mari sont catégorisées shengnu (littéralement « femmes restantes ») et il devient alors très difficile, voire impossible qu'elles parviennent à se marier un jour.

Les shengnu sont des femmes qui ont « réussi dans la vie » comme on dirait en Occident : elles sont indépendantes et éduquées, elles ont une bonne condition sociale, un bon travail et un haut salaire. Cependant, en Chine, l'un des principes fondamentaux du mariage est que l'homme doit être supérieur à la femmes en tout point (taille, âge, éducation, salaire,etc.), cela a plusieurs conséquences. D'abord, il est très difficile pour les shengnu de trouver un homme qui réponde à ces critères car elles font elles-mêmes partie de l'élite ; de ce fait elles sont souvent considérées comme trop exigeantes. Ensuite, les hommes, de leur côté, recherchent aussi une femme qui remplissent tous les critères dictés par la tradition, les shengnu n'y correspondent évidemment pas et leur réussite les rend intimidantes au yeux de nombreux Chinois.

Le phénomène prend de l'ampleur, les shengnu seraient 500 000 à Beijing seulement et un site y a même dédié une rubrique et une nouvelle héroine, Chaoji Shengnu, une femme seule et indépendante. Face à la montée en puissance du phénomène, le gouvernement chinois a lui-même pris des mesures pour trouver à ces femmes un mari, il a organisé en 2013 un speed dating rassemblant 51 femmes et hommes célibataires d'un niveau social équivalent et qui souhaitaient tous se marier. On peut cependant se demander si un speed dating qui ne réunit que 51 shengnu est un moyen efficace de régler le problème quand elles sont un demi-million dans la capitale et que plusieurs millions d'hommes sont condamnés au célibat.


Homme : "Une femme n'a pas à porter des choses aussi lourdes, laisse moi t'aider"
Femme : "Non merci, je peux me débrouiller."
Homme : "Mais non, ce genre de chose, c'est le devoir de l'homme."
Extrait de Chaoji Shengnu, bande dessinée populaire





B) Les solutions qui s'offrent à elles


Pour certaines shengnu, être célibataire toute leur vie n'est pas un problème, elles préfèrent se concentrer sur leur carrière, avoir des amis qui les soutiennent et des relations purement sexuelles de temps à autre.

Dans la majorité des cas cependant, les shengnu souhaitent se marier et fonder un foyer. Plusieurs solutions s'ouvrent alors à elles : la première est la plus radicale, elle consiste à faire marche arrière, c'est-à-dire à abandonner leur emploi et leur indépendance afin de trouver plus facilement un homme car elles seront moins intimidantes. Une autre solution est d'accepter un mariage qui sort des situations traditionnelles : trouver un mari au statut social et financier plus bas, sans que cela pose problème à aucun des membres du couples.


Mais récemment, un dernier moyen semble devenir de plus en plus populaire : il s'agit des mariage avec les étrangers, réputés bien plus ouverts et tolérants sur l'âge et le statut de la femme dans le couple. Cette solution semble avoir provoqué un tel engouement que certaines écoles proposent des cours pour épouser un étranger en 90 jours seulement. Très coûteux, ces cours ne sont abordables que pour une partie de l'élite féminine et visent donc, très sensiblement, les shengnu. Si la méthode peut déjà sembler douteuse sur le principe, on est en mesure de douter de son efficacité mais les étrangers restent pour de nombreuses femmes un dernier espoir qui leur permettrait de conjuguer vie professionnelle et vie conjugale.
 


"Looking for love" : la quête de l'amour et ses difficultés pour les shengnu